Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

Article THERICLEA VASA

TIIERICLEA VASA (® p:x). lcç). Comme on l'a dit plus haut [cALix, p. 852], les Thericlea vasa posent un problème assez difficile à résoudre, mais qui semble avoir été compliqué à plaisir par les commentateurs modernes. Si l'on s'en tient au texte d'Athénée ', qui cite de nombreux passages d'auteurs anciens, presque tous du Ive siècle av. J.-C., on ne peut guère douter qu'une certaine catégorie de vases n'ait reçu alors ce nom d'un potier renommé, Thèriclès de Corinthe, qui vivait au temps d'Aristophane2. Toutes les mentions de ce terme qui nous sont parvenues, soit par les textes, soit par les inscriptions, sont, en effet, postérieures à cette date. Mais Athénée ajoute3 que, suivant d'autres écrivains, le Thèrikléios a été ainsi nommé à cause des formes d'animaux sauvages qui sont empreintes à la sur seignement certains archéologues ont pris texte pour faire remonter le début des Tllericlea, vasa bien avant Aristophane. Krause, en particulier, avec'sVelcker, soutient que Thèriclès est un surnom venu du métier même de potier qui, depuis longtemps, conduisait à décorer les vases de représentations de bêtes féroces 4; telles sont connaissons un grand,-fombre 3. Thèriclès n'aurait donc pas créé le It ,pix;vtinç, mais lui-même aurait revu ce nom des vases à décor animal qu'il fabriquait par tradition. Cette explication n'est pas soutenable pour plusieurs raisons. A l'époque d'Aristophane et de Thèriclès, la mode de peindre sur les vases des figures d'animaux sauvages, lions, panthères, sangliers, était depuis longtemps abolie; c'est un usage qui remonte aux vue et vue siècles'. En second lieu, l'expression employée par Athénée (rv^erurlôc9at)s'appliquerait à des ornements en relief, et non pas peints; la technique rentrerait précisement dans les habitudes de l'art industriel du ive et une siècle, au moment où le vase à relief tend à remplacer le vase peint'. Enfin les descriptions mêmes recueillies par Athénée sont de nature à indiquer un vase dont le décor ne comporte ni personnages, ni animaux. Nous croyons qu'Athénée, en rapportantaccessoirement cette explication, cède au goût des étymologies, pour la plupart incorrectes, où se plaisaient les anciens et dont les lexicographes nous ont laissé tant d'exemples. Au contraire, la mention d'un potier réputé, dont la date est fixée avec précision au temps d'Aristophane, ne peut pas être due au hasard et présente toute garantie d'authenticité. Elle trouve confirmation dans le fa i t que l'ensemble des textes faisant allusion à ce genre de fabrication date du Ive et du nit siècle. On disait « un 0-r,,,tiyl o; », comme nous disons « un Bernard Palissy ». I1 est vrai que jusqu'à présent on n'a pas retrouvé de vase portant la signature de Thèriclès et que, malgré les conclusions trop affirmatives de Panofkat.et de Gerhards, on hésite encore à désigner, parmi les nombreux exemplaires de la céramique grecque appartenant à la fin du ve et au début du Ive siècle, ceux qui seraient les vases théricléens. Itlais, d'abord, il n'est pas dit que Thèriclès signait ses oeuvres, et nous savons qu'à cette époque l'usage de la signature était devenu beaucoup plus rare qu'auparavant dans les ateliers céramiques ". De plus, il n'est peut-être pas impossible de découvrir en quoi consistait la nouveauté introduite par Thèriclès de Corinthe. 'nie tl nôife suffit de lire Ivec attention le chapitre d'Athénée sur le Thèrikléios t . Les Thericlea vasa comprenaient surtout des coupes, mais aussi d'autres formes, comme le cratère. Les coupes avaient une vasque assez profonde et des anses courtes 2. Un auteur de la Comédie Moyenne, Alexis, en met une aux mains d'Ilercule3; Pamphilos en fait un attribut de Dionysos"; Antiphanès, un vase à libation en l'honneur de Zeus Sôter3. Ce sont des vases d'argile, puisque Thèriclés est un xecxu.F; 9. Maison faisait de ces coupes des imitations en matières différentes : Théophraste dit: qu'on en tournait en bois noir de térébinthe, qui ressemblaient à s'y méprendre à celles d'argile'. Il est question aussi de Thèricléia en bois doré 0 ; d'autres sont en or et en argent La capacité du vase, indiquée par Ménandre 10, est de trois cotyles, équivalant à un peu moins d'un litre, ce qui correspond bien à une coupe de dimensions moyennes. Mais Théophilos" signale des vases Thèricléens de quatre cotyles et même dépassant sept cotyles. Athénée s'appuie sur un texte de Callixène 12 pour montrerqu'on ne doitpasconfondreleThèrikléiosavecle genre de coupe ou de skyphos appelé CAI1cnESIU2I. On en admirait les formes harmonieuses, comme en témoigne l'invocation lyrique du poète comique Théopompe: « 0 fidèle enfant de Thèriclès, au noble aspect (Tevvaiov cSo;) 13. 1?uboulos loue également, en termes hyperboliques, la male beauté du Thèrikléios rempli du vin écumant, ses rebords semblables à ceux du cotlion [cc) MON], ses flancs sonores comme ceux de l'urne à voter14; sa couleur noire, son galbe arrondi'', sa base effilée"B, sa surface brillante et réfléchissante, pure de toute tache, avec la partie supérieure ornée de lierre". Quand on a lu cette description, comment la pensée ne se reporterait-elle pas invinciblement vers la belle céramique à lustre noir brillant18, qui caractérise précisément la fin du ve et le Ive siècle, vers ces vases de structures diverses, pbiales et coupes, cenochoés, amphores, qui ont tous pour commun caractère d'être complètement recouverts du vernis noir, de ne plus offrir de tableaux à personnages, de présenter souvent un sobre décor de guirlandes de feuillages, et en particulier de lierre (fig.6231, 6871, 6872) 19 ; l'emploi de la dorure, que signale Alexis 2D, complète la ressemblance 21. Il est certain qu'un potier de cette époque a eu l'idée de transporter dans la céramique les qualités et l'aspect brillant de la vaisselle de métal et qu'il lui a appliqué uùe décoration également issue de lit etvolid et des appliqués dorées usitées dans la métallurgie (fig. 3924). Pourquoi ne serait-ce pas Tlièriclès° On comprend alors le succès de l'innovation et la renommée du Thèrikléios pendant le ive siècle 22 Outre la coupe, Athénéementionne le cratère parmi les vases Thèricléens [EÉLhalf , p. 817], et la description que fait Alexis du cratère Thèricléen, vase brillant que l'on polit avec soin, posé sur une base solide, quo l'on couronne de'branchages de lierre avec leurs baies23, ne contredit pas les conclusions précédentes Certains lexicographes de basse époque parlent de vases de ce genre en verre24; on comprend moins comment le verre a pu reproduire une technique noire et brillante ; il s'agit peut-être ici du décor et des formes. Enfin les inscriptions nous aident aussi à comprendre la nature du Thèrikléios. On ne doit pas confondre cette mention avec celle des Stesileia, des Jfikglheia, des Philonideia, etc., qui, dérivés de noms propres, désignent, non pas un fabricant, mais l'auteur d'une fondation pieuse 2° : par une donation faite à un temple le dévot assurait la somme nécessaire pour fabriquer chaque année une phiale qu'on déposait en son nom dans le sanctuaire [PRIALA, p. 434]. Le mot 07)o(xaeto;, quand il apparaît, désigne au contraire un vase produit par une certainefabrique2°. Par exemple, le roi de Macédoine, Ptolémée, fils de Lagos, offre à la déesse Aphrodite une coupe Thèricléenne dorée, qui est inscrite dans les inventaires de Délos 2'. Un autre texte, de même provenance, donne des détails intéressants sur deux Ori.ixaetoi, évidemment en métal, dont les anses et les pieds s'étaient détachés, et dont l'une était dépourvue d'Eµatov 2s ; il me semble que ce terme peut s'expliquer peut-être, comme les analogues fi.i.É'oXc,v, par le sens d'˵rOar1gx 29, et qu'alors il désignerait un TIIE -214THE relief placé dans l'intérieur de la coupe de métal, ce qui, précisément, est reproduit assez souvent dans les coupes d'argile du Ive ou du ve siècle, uniformément revêtues du beau lustre noir brillant et visiblement imitées des oeuvres métalliques'. En résumé, il est vraisemblable de croire qu'un certain Thèriclès, né à Corinthe, mais travaillant sans doute à Athènes 2, contemporain d'Aristophane, fut le créateur d'une céramique nouvelle, remarquable par son lustre noir, imitant le métal, rehaussée d'un décorde feuillages, parfois dorée. C'est de cet atelier et de ses successeurs que sont issus les nombreux exemplaires attiques, datant surtout du iv' siècle, qui sont conservés dans nos musées3. Us sont eux-mêmes les prototypes des vases campaniens à lustre noir métallique, qui abondent au me siècle. Jusqu'à l'époque romaine et impériale les vases de ce genre et de cet aspect continuèrent à porter le nom de Thériclès". Cicéron cite deux pocula Thericlea, façonnés avec un art consommé par le ciseleur grec, Mentor, qui vivait dans la première moitié du ive siècle Pline connaît aussi le nom du célèbre fabricant 6. Plutarque le mentionne plusieurs fois .1u second siècle de notre ère, Clément d'Alexandrie vantait encore les qualités pratiques du vase à boire Thèricléen E. POTTIER. teau d'été (O‘po; , en étoffe légère, que portaient les Grecs des deux sexes'. Des définitions qu'en donnent les anciens il résulte d'abord que ce vêtement, usité pour le moins depuis le nie siècle avant notre ère2, était un iµzttov [tuteelUSu]3 et il y a tout lieu de croire qu'il ne s'en distinguait en rien quant à la forme ; il couvrait par conséquent la poitrine, le dos et les épaules; mais les femmes' qui craignaient pour leur teint pouvaient aussi, dans la saison chaude, en ramener un pan sur leur tète de manière à la protéger contre les ardeurs du soleil (fig. 5'172) Toute la différence avec le pallium d'hiver consistait dans la légèreté du tissu; le ther'istrum, disent les auteurs, était « transparent » et se portait « biche », peu serré autour du corps 6, comme il est naturel pour un vêtement d'été'. Il était souvent teint de couleurs vives, jaune safran, violet, etc. 6. Les Romains n'en ont fait usage que quand ils imitaient les TIIERMAE. L'article BÂLNEUM (I, p. 651-664) ren seigne en détail sur la place que le bain tenait dans la vie intime et extérieure des Romains; sur la baignade simple que pratiquait, chez soi, toute personne de condition moyenne; sur l'ensemble compliqué d'ablutions, d'opérations de toilette et de traitements hydroet gymnothérapiques que permettaient aux riches le programme raffiné de leur logis et aux pauvres l'existence d'établissements publics, privés ou officiels-les seconds souvent magnifiques et gratuits ; enfin, sur la destination complexe de ces derniers, où se trouvaient réunis des moyens perfectionnés, non seulement de satisfaire aux exigences de l'hygiène et de se donner du bien-être physique, mais encore de se procurer des distractions diverses et de travailler àla culture du corps et de l'esprit. La présente notice a pour objet un examen de la facé technique de la question, un exposé des solutions que l'architecture romaine imagina pour les problèmes nombreux et difficiles que rencontrait la réalisation de cette partie de son programme : problèmes généraux de l'alimentation en eau, du drainage, du chauffage d'un service balnéaire; problèmes spéciaux de la distribution, de la construction, de la décoration de bains publics conçus à très grande échelle, avec un parti pris d'exécution splendide et artistique. Bien que le principe des thermes soit grec, les Romains l'ont fait leur, au point que leur nom est indissolublement lié à l'idée de la chose. La raison en est, d'une part, dans l'importance, l'originalité et la valeur des applications qu'ils en ont faites et dont les meilleures comptent au nombre des merveilles de l'art universel, et, de l'autre, dans le fait qu'elles portent la marque de leur génie, habile aux conceptions grandioses autant qu'expert aux organisations rationnelles et aux réalisations économiques. Les ensembles comme les détails proposent à notre admiration des exemples typiques de création de l'organe par la fonction et d'application de la loi de moindre effort. Nous envisagerons successivement les bains domestiques et les thermes publics. degré élémentaire, le programme des bains domestiques comportait simplement l'aménagement d'une salle chaude (caldarium), pourvue d'une baignoire (alveus) et d'une chambre de chauffe (o/Jieina, praefurnium) parfois, il ajoutait un vestibule-vestiaire (apo(1yterium), (fig. 6873, 1). Un dispositif plus confortable permettait la pratique en un même lieu d'ablutions chaudes et froides: il comportait, d'un côté, pour les premières, une baignoire; de l'autre, pour les secondes, un bassin 1 THE 21) TIIE (labrum) (fig. 6873, fI, III). La formule achevée (fig. 6873, 1V, V) ordonnait une suite de trois locaux; l'un des extrêmes pour le bain chaud, l'autre pour le bain froid, l'intermédiaire pour ménager la transition ; en plus, souvent, un apodyterium, parfois une étuve (laconicum, sudatorium), cette dernière sous l'espèce d'un réduit surchauffé, dont la température était réglable par la manoeuvre d'une trappe, à l'orifice d 'une cheminée (fig. 6873, V, E)'. La réalisation technique. Aux problèmes de la production du calorique et de l'alimentation en eau chaude les Romains ne manquèrent pas de donner des solutions ingénieuses et pratiques, propres à économiser l'effort et la dépense. L'échauffement des salles était obtenu par le moyen de calorifères en sous-sol (hypocaustes). Celui du liquide était réalisé dans un réduit appelé praefurnium, à l'aide de chaudières en métal, qui, généralement, étaient au nombre de deux : l'une, fixée sur le foyer, pour l'obtention de l'eau chaude ; l'autre, placée au-dessus de la conduite d'échappement des gaz produits par la combustion, pour la fourniture d'eau tiède. Un troisième récipient contenait l'eau froide 2. La distribution était assurée par un système très pratique de canalisations, commandées par des robinets. Nous possédons un exemple typique dans l'installation, remarquablement conservée, qu'on a découverte dans la villa de Boscoreale et qui est visible au Musée de Pompéi (fig. 6874)3. Attenante, d'un côté, au caldarium, de l'autre, à la cuisine (0) où se trouvait un grand réservoir (R), la chaufferie (P) était en contre-bas, de manière à faciliter l'alimentation de la chaudière (V). Celle-ci, qui surmontait un foyer en maçonnerie, de forme cubique, consistait en un cylindre de plomb -haut de 1 m. 92 et large de 0 m. 58 ajusté sur une marmite hémisphérique en bronze. Plus de la moitié inférieure du récipient était engainée dans une chemise en maçonnerie épaisse, destinée à réduire la déperdition de la chaleur. Trois conduites, également en plomb, reliaient la chaudière au réservoir situé dans la cuisine. Une première (A), commandée par un robinet (a), n'avait qu'un rôle, celui d'amener de l'eau froide. Mais chacune des autres (B et C ') était à deux fins, graceàunbranchement qui se détachait d'elle un peu avant son entrée dans la chaudière pour aboutir, l'un (C) à la baignoire (t), l'autre (B) au bassin (s) du caldarium (Q). Grâce à un jeu de deux robinets placés, l'un (e, e) entre la chaudière et le point de bifurcation, l'autre (b, d) entre celui-ci et le réservoir, on pouvait, à volonté, expédier dans le caldarium.: de l'eau froide, si l'on ouvrait 1) et d et fermait e et e ; de l'eau chaude, si l'on fermait b et d et ouvrait c et e. Enfin, un robinet (y), fixé dans la région inférieure de la chaudière, fournissait sur place de l'eau chaude. On n'imagine rien de plus simple, ni de plus commode. Divers artifices conspiraient à la réduction des frais. Ainsi, communément, la salle chaude était attenante à la cuisine (fig. 6873-68741) et aussi à la chaufferie (fig. 6873). Souvent, il y avait succession de l'étuve, de la salle chaude, de la salle tiède, du vestiaire, de façon que la distance de chacune des salles à la source de chaleur fût en proportion de la température qu'on y désirait (fig. 6873, V) 4. D'une manière plus générale, il y avait utilisation des gaz émanés du foyer de la chaudière : grâce à un système imaginé par Sergius Orata au début du 1" siècle avant notre ère de sous-sols, de tubulures murales et de z 111 V THE revêtements en carreaux écartés des murs, on organisait une circulation d'air chaud sous les pavements et derrière les parements qui, par suite, faisaient fonction de radiateurs. Quant au combustible, il consistait en charbon de bois, seule matière compatible avec la nécessité d'éviter l'encrassement des canalisation susmentionnées. Il. THERMES PUBLICS. L'existence universelle -même dans les villes minuscules et dans les camps aux frontières de bains publics, souvent multipliés, toujours bien agencés et parfois magnifiques, constitue un des traits les plus caractéristiques de la civilisation romaine à l'époque impériale. Les thermes de Trèves, découverts dans le quartier Santa-Barbara, couvraient plus de 98000 mètres carrés et leur frigidarium s'étendait sur une longueur de 50 mètres (fig. 6875, VI . Au Ive siècle, Rome ne possédait pas moins de 856 établissements balnéaires' les principaux, de dimensions colossales (ceux de Caracalla occupaient plus de onze hectares'; ceux de Dioclétien, plus de treize3), comptaient au nombre des plus précieux joyaux de sa parure monumentale. Le programme. A la vérité, tous les plans n'étaient pas divisés à grande échelle. Le plus grand nombre réalisaient modestement les conditions d'une baignade chaude et, dimensions à part, répétaient l'économie de la moyenne des installations domestiques. Une seconde catégorie, représentée dans toute ville de quelque importance, était ordonnée en vue du bain complet (fig. 6875, I, III, VI) : elle comportait une salle d'attente, un vestiaire les deux parfois réunis ; un frigidariumquelquefois ménagé sur un côté de l'apod yteriunl (fig. 6875, 11, At f) ; un tepidarium ; un caldarium ; assez souvent en Afrique 4 c'était de règle une étuve (fig. 6875, 1, III, S); enfin, des chambres de chauffe, des calorifères, des locaux de service, des latrines. Pour le bain chaud, on se servit d'abord de baignoires, plus tard de bassins, les unes et les autres généralement logés dans des niches (fig. 6875, I, III). Une troisième sorte de thermes doublait l'établissement de bains d'un gymnase imité de la palestre hellénique (fig. 6875, II, O). Celui-ci comprenait au moins une cour (palestra), bordée ou non de portiques et dotée parfois d'une piscine ; en outre, assez souvent, des lieux de réunion ou de repos exèdres en plein air, salles closes munies de sièges. Cette annexe de l'édifice balnéaire, le type achevé des thermes, tel qu'il fut réalisé à Rome (fig. 6875, IV, V), la développait suivant un programme assez analogue à celui des casinos de nos grandes villes d'eaux, mais dans des proportions et dans un goût en rapport à la fois avec la passion de luxe et le sentiment artistique qui distinguaient la civilisation romaine de la nôtre et, en ce qui concerne Rome, avec les prodigalités somptueuses des empereurs fig.6876 .Déterminée par le désir de donner un maximun de jouissances, la distribution assurait, au gré du visiteur, le bien-être physique, les plaisirs de l'action, la volupté des yeux, les joies de l'esprit car elle réalisait des jardins et des ombrages avec des eaux vives ; des galeries pour la promenade ; des exèdres THE pour le repos et les entretiens : des arènes et des pistes pour les sports; des salons de conversation ; des salles de conférence ou d'audition ; des bibliothèques ; des musées'. Aussi bien, les thermes étaient-ils, spéciale_ ment à Rome, un lieu de promenade, le rendez-vous des flàneurs. Cependant leur programme comportait des salles pour le bain individuel : celles qu'offraient les thermes de Caracalla, et dont chacune était précédée d'un vestibulevestiaire, s'alignaient en bordure d'un portique régnant sur la façade et sur une partie des côtés de l'édifice. Certains thermes -tels ceux de Stabies (fig. 6875, II) et du Forum à Pompéi étaient divisés en deux parties, l'une pour les hommes, l'autre pour les femmes. La réalisation technique. Plus encore que ceux des lx. THE 217 THE particuliers, les thermes publics des Romains manifestent combien leurs architectes s'entendaient, d'une part, à approprier l'organe à la fonction et à atteindre le butavecle moindre effort ; de l'autre, à satisfaire cette passion du grandiose et de la splendeur qui constitue le goût romain. Soit d'abord le problème des proportions relatives, de la conformation et de l'aménagement des dit ers locaux. La solution apparaît conforme à ia destination était utile, l'hiver comme l'été aussi constituait-il la salle principale. approprié par sa grandeur au rôle de promenoir rouvert et, par une installation de bassins, à celui de local pour ablutions tièdes fig. 6875,V, T, et 6876 . Pour des raisons de même ordre, Rome mesurait la place au caldarium ibid. V, C , tandis que Trèves la lui prodiguait, en vue autant du bien-être des oisifs pendant l'hiver quo des besoins des baigneurs ibid. VI, C . de chacun et aux conditions climatériques du lieu. En ce qui concerne le frigidarium, un parti différent était pris suivant la latitude. A Rome, sous un climat tempéré, c'était une cour dont la surface totale' ou presque entière' était occupée par une piscine (fig. 6875, V). La situation de celle-ci, au fond de l'espèce de puits que constituait une ceinture de hauts bâtiments, suffisait à assurer la fraîcheur de l'eau et, même en été, l'élévation de la température de la capitale n'étaitpas telle qu'on pût éprouver le besoin de se confiner dans un intérieur: les plantations des jardins et les portiques offraient un abri suffisant et plus agréable. En Afrique, où il était plus difficile de se défendre contre les ardeurs solaires, le frigidarium était une salle voûtée et le bassin était relégué dans une niche, de façon à dégager un vaste espace où séjourner ibid. I, III). Un autre avantage de la couverture était un abaissement de la température de l'eau ; aussi observons-nous l'application du système à Pompéi, où les bains froids se prenaient dans des réduits sous voûte (ibid. II, F . Du fait que sa température était, pour ainsi dire, neutre, le tepidarium ne convenait ni à l'Afrique, à cause des violences de son été, ni aux provinces septentrionales de l'Empire, à cause du régime contrasté de leur climat comportant une saison assez chaude et une assez froide. Aussi apparaît-il petit, comme secondaire, à Trèves ibid. VI, T aussi bien qu'à Timgad (ibid. I, III). Par contre, à Rome, il Réalisée dans des proportions modestes à (tome et dans l'Italie méridionale tig.6875, V, S ,l'étuve était, en Afrique, divisée à grande échelle, en accord avec le goût de l'Orient pour les sudations (ibid. 1, III . Quant au plan des salles, il était, d'ordinaire, quadrangulaire ibid. I, lI, III, IV; V, T , assez souvent cruciforme (ibid. VI , plus rarement circulaire ibid. II, F; V, C) : aussi bien était-il, dans une large mesure, commandé par la pratique habituelle d'une couverture par voûte d'arête. L'agencement technique des thermes romains offre mainte particularité signalétique du génie de l'organisation qui distinguait leurs architectes. L'alimentation en eau de ces établissementsqui en consommaient d'énormes quantités et l'évacuation d'un égal volume de liquide résiduaire étaient un jeu pour ces admirables hydrauliciens : ils réalisaient la première au moyen de grands réservoirs branchés sur un aqueduc, et de canalisations en plomb ou en ciment, la seconde au mo en d'un réseau d'égouts et de pavements suspendus sur pillettes. Il convient de louer les dispositions qu'ils prirent pour favoriser l'accès et la circulation du public, comme celles en vue de faciliter et d'isoler le service : portes nombreuses, dégagements pratiques, vestiaires spacieux; communication du sous-sol avec l'extérieur au moyen de galeries inclinées Plus remarquables encore les précau THE 218 THE tions contre les déperditions de calorique : orientation de l'édifice par les angles; exposition des salles chaudes au sud-ouest; localisation des étuves au-dessus des chaufferies et au centre d'un groupe de locaux chauds ou tièdes, faisant obstacle à un abaissement de la température par rayonnement (fig. 6875, I, III, IV, V : S); établissement de tambours ou de vestibules en avant de l'entrée du caldarium et du laconicum pour écluser l'air (ibid. Ill, V); dans le cas d'une installation double, pour hommes et pour femmes, accotement des salles chaudes des deux bains à une chaufferie commune (ibid. II : groupe C, P, Cf); application en grand du système d'échauffement de l'air par la radiation de murs et de pavements, à l'intérieur desquels était ménagée une circulation d'air brûlant t. Le chauffage des grands bassins, qu'exigeait la desti nation publique du caldarium des thermes, posait un problème difficile : car il s'agissait de maintenir à un degré relativement élevé et constant la température d'une masse liquide dont la vaste surface favorisait le refroidissement. La solution que révèle l'installation de la partie réservée aux femmes, dans les thermes de Stabies, à Pompéi ',est tout à fait élégante (fig. 6877) 3. Et d'abord, la cuve (A) en maçonnerie, où l'on se baignait, était munie d'un réchaud : en effet, son fond constituait la couverture, soutenue par un quinconce de piliers, d'une chambre sous-jacente (B) qui, communiquant d'un côté avec le foyer (h') et, de l'autre, avec la cheminée, était échauffée par le passage des gaz issus du premier. D'autre part, l'élévation de la température de l'eau était réalisée et conservée au moyen d'un système très simple, basé sur l'inégale densité des parties chaudes et froides d'un même liquide et sur la tendance consécutive qu'ont les premières à s'élever et les secondes à descendre. Au-dessus du foyer était disposée une boîte en bronze, conformée en demi-cylindre avec la convexité en haut (C): on l'appelait testudo alvei 4. Une de ses extrémités était encastrée dans la coque de la piscine et, de ce côté, elle était béante; cependant sa hauteur ne dépassait pas la moitié inférieure de celle de la cuve et le fond de celle-ci était plus haut que le sien. Par suite de cette différence de niveau, l'eau qui s'échauffait au contact des parois brûlantes de la chaudière devenait plus légère et montait vers la surface du bassin ; elle était remplacée par du liquide refroidi provenant de la région inférieure de la piscine. Il en résultait une circulation qui, faisant repasser régulièrement par la chaudière les parties devenues tièdes, assurait une température constante de l'ensemble. Distribution des locaux. Pour la distribution des locaux trois modes se succédèrent, l'adoption de cha cun ayant marqué un progrès aussi bien au point de vue de l'esthétique que sous le rapport pratique. D'abord une ordonnance excentrique, qui procédait de celle de la maison, disposa les salles de bain en une rangée, accotée à un des fronts d'un espace quadrangulaire et en bordure d'une cour (fig. 6875, I). Puis un dispositif centré, mais asymétrique, les groupa sur un des côtés d'une grande cour ; on y gagna à la fois une économie de terrain, une de combustible, par suite de l'enveloppement de la région chaude, plus de franchise et de clarté dans le plan (ibid. II), Enfin fut imaginée une composition centrée et symétrique, qui triompha dans les grands thermes de Rome (ibid. IV, V, VI). Sur le petit axe d'un rectangle se succédaient, à partir de la façade,le frigidarium,le tepidarium, le caldarium. De part et d'autre, se balançaient deux groupes de vestibules, de vestiaires, d'étuves, de galeries, de palestres, de chambres pour les onctions et les massages, de locaux de service. Leur double masse contrebutait les hautes voûtes des salles centrales, dans les murs desquelles leur moindre élévation permettait d'ouvrir de vastes baies. Solution parfaite, puisqu'elle facilitait l'utilisation de l'édifice, signalait sa destination et alliait heureusement les effets de variété et de contraste à ceux de l'ordre harmonique. Les thermes publics des Romains se distinguaient par la qualité d'une décoration riche, élégante, en accord avec leur rôle ; les principaux de la capitale, dont les empereurs avaient fait les frais sans compter, étaient des merveilles de splendeur spacieuse. Rappelons que l'obtention de ces effets de grandeur et de parure avait été singulièrement facilitée par les vertus du procédé de construction en briques et en conglomérat de cailloux et de mortier, dont les architectes romains tiraient un parti si remarquable : la rapidité et le bon marché de la bâtisse qu'il permettait laissaient disponible pour la poursuite de la beauté la plus grande partie du budget d'une entreprise ; l'excellence de son application à la réalisation de voûtes rendait possible la couverture d'énormes vaisseaux. Les ruines des thermes de Pompéi' offrent un exemple typique de l'art avec lequel on savait doter d'agréments esthétiques les établissements balnéaires d'une petite ville. Les murs des portiques qui bordaient la palestre étaient relevés de peintures développant ces thèmes d'architecture fantaisiste dont l'art alexandrin avait créé la modes. Dans les salles les yeux étaient séduits par le spectacle de dallages en marbre gris, avec encadrements en basalte; de voûtes revêtues de stuc, don tles reliefsreprésentaient d'élégantes arabesques, des figures d'amours, de dauphins, de tritons ou d'autres motifs en harmonie avec la destination des locaux ; de fresques murales telles que celle qui agrandissait et égayait à la fois le petit frigidarium des bains, de Stabies par l'image d'un jardin fleuri et tout animé d'oiseaux ; enfin, d'un mobilier artistique façonné en marbre et en bronze'. Les grands thermes impériaux de Rome étonnent par les proportions gigantesques de leur ensemble et de leurs parties. Ceux de Caracalla (fig. 6876) couvraient plus de 118000 mètres carrés et le bloc de l'établissement bal THE 219 THE néaire proprement dit plus de 25000. Ceux de Dioclétien occupaient une surface de plus de 130000 mètres. Leur frigidarium mesurait 95 mètres par 45 et la superficie de la piscine était de 3600 mètres ; les dimensions des locaux couverts étaient encore plus impressionnantes : le tepidarium dessinait une croix, dont la grande branche s'allongeait sur 60 mètres et l'autre sur 45 et la portée de sa voûte d'arête était de plus de 24 mètres ; dans le caldarium, abstraction faite des niches qui se creusaient au milieu de chaque côté, on comptait dans un sens 45 mètres, et dans l'autre 20'. Rappelons encore que le frigidarium des thermes de Trèves étai tlongde50mètres. Cependant l'effet de grandeur était encore fortifié par les attraits nombreux et divers d'un décor magnifique. Des portiques appliqués soutenant de grandes corniches ouvragées, des colonnes géantes, porteuses apparentes des retombées des voûtes, de profonds renfoncements accidentaient de mouvements pittoresques l'élévation des salles. Des plaques de marbres polychromes formaient pavements et lambris ; [es colonnes exposaient des blocs énormes et merveilleusement polis de matières dures, granit ou porphyre; des frises richement sculptées couraient sur les parties hautes des murs (fi g.6876): enduites de stuc, les voûtes étaient divisées en caissons rehaussés d'une profusion d'ornements en haut-relief et de motifs en bronze doré; des fresques, des mosaïques d'émaux achevaient une brillante polychromie (cf. l'article aluslvus opus, !orne III, p. 2088; spécialement la figure 5251). Le vide des grandes baies d'éclairage était fermé par des panneaux de marbre ajouré ou par des treillis de bronze, dans les interstices desquels étaient serties des plaquettes de matière lapidaire translucide ou des feuilles de verre coloré. Le mobilier était à l'avenant: les piscines étaient doublées de marbre ; taillées dans d'énormes monolithes de marbre, de granit, de porphyre, de basalte, les vasques et les baignoires étonnaient par le tour de force que représentait leur façonnement et plaisaient par l'élégance de leurs formes et par la,beauté de leur décor ; les bancs et les sièges, distribués par centaines, possédaient les mêmes qualités ; le luminaire était constitué par des candélabres monumentaux, chefs-d'oeuvre de l'art du marbrier ou de l'orfèvre ; des vases précieux, des bustes, des statues étaient semés sous les portiques, dans les jardins et dans des niches enfoncées dans les murs des salles. L'effet merveilleux de ces vastes vaisseaux aux aspects à la fois grandioses et plaisants, à la température savammant réglée et à l'atmosphère parfumée, de ces cours resplendissantes de l'éclat du marbre ensoleillé, de ces galeries égayées de peintures, de ces théâtres aux degrés marmoréens, de ces jardins animés par des courants et des jets d'eau, était complété par la diversité pittoresque et l'animation bruyante de la foule compacte qui réunissait des baigneurs, des flâneurs, des amateurs de sports, des courtisanes, des marchands de boissons et de comestibles et aussi des intellectuels attirés par les bibliothèques, par les salons de conversation et par les salles d'auditions et de confé